Pourquoi Saint-Jo et combien de temps ?
Suite à la mutation professionnelle de mon père, ma famille s’est installée à Caen à la fin des années 80. Mes parents m’ont laissé choisir entre différents établissements catholiques et je me rappelle que son environnement spacieux, avec en particulier la présence du stade, a fait pencher la balance du côté de Saint-Joseph.
J’ai ainsi rejoint la classe de 5ème bleue, si ma mémoire est bonne, et suis resté à Saint-Jo jusqu’à mon entrée au lycée.
Vos études après Saint-Jo ?
Après mes années « lycée » à Sainte-Marie, je suis entré en classe préparatoire scientifique à Malherbe puis Victor-Hugo. À l’issue de la prépa, désireux de m’orienter vers un métier en lien avec la nature, j’ai intégré l’ENGEES, l’École Nationale du Génie de l’Eau et de l’Environnement de Strasbourg. Une fois sorti de cette école d’ingénieur, avec une bonne dose de travail pour préparer le concours, j’ai eu l’opportunité d’entrer à l’ENGREF, l’École Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts, devenue aujourd’hui AgroParisTech.
Votre parcours professionnel ?
Mon diplôme d’ingénieur des Eaux et Forêts en poche, l’Office National des Forêts de Rhône-Alpes m’a ouvert ses portes, comme responsable d’un bureau d’études. Après quelques années, j’ai quitté le monde de la forêt pour me rapprocher de celui du paysage qui répondait plus complètement à mes aspirations, en m’offrant une dimension créative et artistique nouvelle.
J’ai travaillé pendant plusieurs années à la Ville de Paris, au sein de la Direction des Parcs et Jardins. Cette mission m’a conduit au chevet des arbres des rues, des Bois et des parcs de la capitale. Et m’a permis de me forger la culture « jardin » qui manquait à mon cursus.
Un long détour dans le secteur du tourisme nature a suivi cette expérience parisienne. Souhaitant vivre une expérience familiale originale, nous avons pris avec mon épouse les commandes d’un village forestier de l’entreprise Huttopia, pionnière dans le domaine de l’écotourisme. J’ai ensuite rejoint le siège en 2013 comme responsable « Paysage » pour l’ensemble des sites du groupe.
Enfin, en 2017, je me suis mis à mon compte en créant ma société, BRILLATSAVARIN PAYSAGES, pour mettre plus spécifiquement mes compétences au service des parcs et jardins historiques. J’ai donc la chance aujourd’hui de travailler à la sauvegarde et à la restauration de sites patrimoniaux, au carrefour de nombreuses disciplines - art des jardins, Histoire, botanique, paysage, sylviculture - et cela est passionnant !
Je reconnais que votre métier n’est pas celui que je connais le mieux. Comment en parler à un jeune qui s’interroge sur son orientation ?
C’est avant tout un métier lié au vivant. Du diagnostic sanitaire d’un arbre aux actions à mener pour gérer un boisement, en passant par le choix des plantes en fonction du sol et du climat, on a toujours les mains dans « le vert », au service d’une matière vivante et complexe. Il faut donc s’intéresser aux sciences de la Terre, à la biologie, à l’écologie. Et aimer passer des journées dehors, naturellement !
À ce goût prononcé pour la nature, il faut allier une certaine sensibilité, un sens artistique. C’est très utile pour dessiner des jardins où tout un travail est réalisé sur les vues, les perceptions, les couleurs, les émotions, l’esthétique.
Enfin, une bonne dose de curiosité et de mémoire est nécessaire car derrière une esquisse de jardin se cachent bien souvent des centaines de noms de plantes, sans compter de nombreuses connaissances historiques et techniques.
Pour résumer, je dirais qu’il s’agit d’un métier artistique, adossé à un bon bagage technique.
Quel(s) sont les impacts(s) ou enjeux du changement climatique sur votre métier ?
Ce qui frappe aujourd’hui dans le phénomène du changement climatique n’est pas tant la perturbation elle-même ni son ampleur, déjà observées au cours des temps géologiques, mais bien la fulgurance avec laquelle il s’abat. Quelques dizaines d’années pour l’actuel réchauffement contre plusieurs milliers d’années pour les réchauffements précédents !
Dans ces conditions, la Nature ne peut faire usage de ses armes que sont la mobilité des plantes et a fortioril’adaptation. Sans parler des maladies qui profitent de cet affaiblissement et de l’accélération des échanges à l’échelle du globe pour proliférer. J’observe ainsi de nombreux dépérissements d’arbres dans les parcs et les forêts : cèdres, séquoias, chênes,… La liste ne cesse de s’allonger.
Il nous faut donc adapter les palettes végétales (arbres, arbustes…) en introduisant des espèces plus résistantes à la chaleur et à la sécheresse. Sans pour autant dénaturer le style ou l’ambiance des lieux. On n’imagine pas (encore…) des arbres exotiques dans un jardin à la française ! Il est donc nécessaire de trouver un équilibre entre préservation du patrimoine et renouvellement des essences.
Le changement climatique induit aussi des évolutions dans les modes de gestion : paillage des massifs pour éviter l’évaporation de l’eau, tontes plus espacées pour ne pas trop exposer le sol, plantations plus groupées pour bénéficier d’un effet de protection contre l’insolation ou le vent,…
Vous avez publié un livre récemment, vous pouvez nous en parler ?
Il s’agit d’un recueil d’aphorismes personnels intitulé Distillats, publié aux éditions Erick Bonnier. Je l’ai composé ces dernières années au fil de mes pérégrinations et réflexions. Comme j’aime à le dire, ce sont des petites phrases « qui en disent long en peu de mots », mêlant sagesse, poésie et humour.
En voici quelques-uns, directement inspirés par le paysage et la nature, que nous venons d’évoquer :
« Une route de feuilles comme seule feuille de route. »
« Si certains chemins sont creux, c’est pour être remplis de mystère.»
« Une forêt, c’est du temps vieilli en fût de chêne.»
« Regarder le cours d’un ruisseau, c’est lire l’avenir de la mer. »
Et comme j’ai évoqué mes jeunes années à St-Jo à travers ces lignes, je terminerai par cet aphorisme en guise de conseil :
« Emprunter le chemin de l’enfance. Et ne le rendre jamais ! »
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