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Les mille vies de notre bulletin

Par Roger Perussel

Élan liaison Saint-Jo - 1992


En mars 1892, sortait des presses de l’imprimerie Domin, rue de la Monnaie à Caen, le premier numéro du bulletin des anciens élèves et des amis du pensionnat Saint-Joseph. L’abonnement à cette revue trimestrielle était de 2,50 francs.

Depuis 1886, date de la création de l'Association des Anciens Elèves de l'Institution, la liaison Anciens Elèves-Pensionnat était assurée par des lettres circulaires dont la fréquence irrégulière était fonction des événements à annoncer. Le Bulletin désormais « cessera d'être l'organe exclusif des Anciens auxquels il fut destiné dans le principe et il s'étendra aux amis de l'Etablissement, à tous ceux qui ont aidé à le fonder et qui continuent à le soutenir de leur dévouement ».

La Commission chargée de la rédaction ne craint pas dès le premier numéro d'aborder les sujets les plus divers et nous donne un « spécimen de ce que seront les autres » : 

  • 3 pages consacrées à la dévotion à Saint-Joseph (nous sommes en mars)
  • 6 pages pour l'histoire du Carnaval à travers les pays et les siècles
  • 6 pages également sur la vie du Général de Sonis (1825-1887)
  • puis la chronique du Pensionnat suivie d'un long poème 
  • 5 pages en rubrique agriculture pour comparer les qualités respectives du blé amidonnier à celles du blé de mars barbu commun ou du même blé mais sans barbes.

Ce premier numéro se termine par une série de « Bonnes pensées » suivies « d'histoires drôles ».

Au total, 32 pages sans aucune publicité sauf l'extrait du prospectus du Pensionnat au dos de la couverture qui donne un certain nombre de renseignements sur le fonctionnement de l'Etablissement, par exemple : « un aumônier aussi prudent que zélé est spécialement chargé de la direction religieuse » ou encore « un habile docteur-médecin est attaché à l'Etablissement ». Enfin « un service très régulier de voitures parcourt matin et soir les rues de Vaucelles, Saint-Jean, Saint-Pierre, etc. Les élèves qui veulent s'en servir paient 6 francs par mois ».

Le nombre total d'abonnés au Bulletin n'est pas connu. S'il est relativement simple de créer le Bulletin d'une association, assurer sa pérennité dans la régularité de ses parutions est beaucoup plus compliqué. Ce n'est pas le moindre mérite de ses responsables successifs d'avoir maintenu durant plus d'un siècle ce lien indispensable à toute vie associative.

En 1898, les cinq rédacteurs du Comité de lancement de 1892 sont « dispersés aux quatre coins de l'horizon ». Il n'en reste qu'un sur Caen pour rédiger les articles et assurer les taches matérielles. Et voilà qu'en récompense de son dévouement, il est attaqué dans des lettres de lecteurs, dont l'un d'eux va jusqu'à traiter le Bulletin de « misérable », « dépourvu de tout cachet littéraire, scientifique ou artistique ».

Un nouveau Comité est désigné et aucun nouvel incident n'est à signaler jusqu'aux pénibles événements consécutifs aux lois congréganistes de 1904, interdisant aux Religieux d'enseigner.

Durant une année (avril 1904 à août 1905), le Bulletin ne paraîtra plus. L'Association des Anciens Elèves se réorganise. Son siège est transféré chez Monsieur Chappe, le président. L'Assemblée générale du 23 juillet 1905 se tient rue des Carmes, la messe est célébrée dans l'église Saint-Jean et le repas est assuré par le camarade Letouzey, propriétaire de l'Hôtel de France, rue de la Gare. Au cours de l'Assemblée de ce 23 juillet 1905, on s'est beaucoup occupé de l'avenir du Bulletin : cinq personnes sont désignées pour sa rédaction; au lieu d'avoir 32 pages, il n'en aura que 16 car « on a pensé qu'il était absolument inutile de publier certains articles qui peuvent être bien pensés et très bien écrits mais qui n'intéressent personne et par conséquent qu'on ne lit pas »;

« pour que le Bulletin relate tous les faits intéressants, il faut absolument que chacun s'y prête en faisant part à la rédaction de tout ce qui peut intéresser l'Association ».

Le Bulletin fera paraître la liste des Anciens Elèves avec l'adresse et la profession de chacun afin de promouvoir les relations commerciales entre les membres. Il est également décidé de mettre des annonces gratuites, ce qui sera certainement très appréciée par les membres-commerçants de l'Amicale.

Ces réformes rapidement mises en place vont conduire le Bulletin sans difficultés jusqu'au 9 juillet 1911 date à laquelle sont célébrées conjointement les noces d'argent du Pensionnat rue des Rosiers et de la création de l'Association des Anciens Elèves. Un numéro «hors série», illustré de nombreuses photographies paraîtra pour ces événements.

Puis survient la guerre. Le numéro 68 de juin 1914 sera le dernier avant la terrible épreuve. Le numéro suivant ne sortira qu'en février 1917 et sera consacré aux nouvelles des mobilisés et hélas, aux notices nécrologiques des victimes. Il en sera de même pour le « Deuxième Bulletin de Guerre 1917» ce qui explique son importance exceptionnelle de 60 pages. Durant ces années, le Pensionnat a été réquisitionné pour y installer un hôpital militaire français. D'autre part, 13 professeurs ont été mobilisés, deux d'entre eux seront tués au combat.

C'est l'imprimerie Haulard la Brière, rue de Branville, qui assure désormais la publication du Bulletin dont la présentation n'a pas varié. Il est tiré à 1000 exemplaires pour une dépense annuelle de 1 080 francs.

Le 11 juillet 1920, le monument aux morts de la guerre est érigé dans la chapelle et béni par Monsieur le Doyen de Saint-Etienne.

En 1923, le Bulletin est de nouveau imprimé rue de la Monnaie mais par la Société d'Impression de Basse-Normandie.

Cette date marque la reprise de la chronique du Pensionnat après un long silence qui demeure mystérieux, car depuis des décades le signataire «Quissety » n'était autre que le Frère Vialatte, sous-directeur. C'est lui qui reprend la plume tout en souhaitant être remplacé pour varier un peu le style des articles.

En 1927, le Conseil de l'Association décide d'ouvrir dans le Bulletin un « service d'annonces ». Cette publicité commerciale n'est plus gratuite comme elle l'était précédemment et permet de compenser l'augmentation des frais d'impression et d'affranchissement.

Le 26 octobre 1930 sont célébrées les noces de diamant d'enseignement de Monsieur Decorde (Frère Albertis de Jésus) directeur et les noces de diamant de la Fondation du Pensionnat.

Le compte rendu de ces festivités réclamera un numéro exceptionnel de 52 pages.

Le Bulletin a trouvé désormais sa formule idéale: présentation identique, sommaire avec «Le petit mot du grand-père» de Monsieur Decorde, la chronique des Anciens, celle du Pensionnat et une rétrospective historique sur le Pensionnat et l'Association intitulée : « Il y a 35 ans ». Et cela se poursuivra jusqu'au numéro 141 d'octobre 1939.

Puis ce sont de nouveau les années de guerre durant lesquelles un petit journal à parution semestrielle servira de trait d'union. Le second numéro de cette série encadré de noir annonce le décès de Monsieur Decorde en avril 1940, directeur de Saint-Joseph depuis 1904.

Et pour en terminer avec ce rapide survol des 50 premières années de notre Bulletin reprenons un extrait de la chronique du Pensionnat de septembre 1945 qui apporte une note complémentaire à l'exposition du Mémorial de la Paix à Caen, consacrée au Général Koenig, ancien élève. Rappelons que cette exposition inaugurée le 21 mai dernier est ouverte au public

jusqu'au 31 août 1992:

«Le 18 juillet 1945, le Général Koenig vient présider les grandes fêtes de la Libération de Caen. Monsieur le Directeur lui présenta le « Père Coudert ». Le Gouverneur de Paris fut très heureux de revoir son premier maître, le trouva aussi jeune que lorsqu'il était son élève, le remercia chaleureusement et lui souhaita de continuer encore longtemps sa belle mission ».

Ce souhait du Général fut largement entendu car le Frère Coudert arrivé à Saint-Joseph en 1891 pour remplacer un collègue durant quelques mois assurera le cours préparatoire dans l'Etablissement durant plus de 60 ans avec une compétence unanimenent reconnue.

En dehors des voeux traditionnels de chacun des bulletins de janvier, celui de 1947 marque le début d'une série d'articles : « Pour une histoire du Pensionnat », sous la plume de M. Henri Gallet, Président du groupe des Anciens élèves de Paris. 

A noter également, à cette époque, les chroniques « Allô le monde» lancées par Pierre L'honneur, Vice-Président de l'Amicale, lequel invite les Anciens Elèves qui ont quitté la métropole à exposer leur vie «la-bas » et aussi les particularités et habitudes de leur région d'adoption.

Dans cette période d'après-guerre, la publicité n'a pas été relancée, seul un encart annonce la sortie du livre publié sur la biographie du Frère Decorde, ancien Directeur de l'Institution, imposant ouvrage de 450 pages intitulé : « Soixante-dix ans sur la brèche ».

Et puis, avec un peu de retard, mais très sincèrement, nos chaleureuses félicitations à notre Président, le Docteur Jean Lambertz, pour son « Prix d'Excellence » en 1ère classique, relevé dans un bulletin de 1948.

La chronique du Pensionnat est assurée depuis plusieurs années par «Le Narrator », en religion Frère Aubry (Henri Cloarec), ancien élève.

L'Assemblée Générale des Anciens Elèves de cette année 1948 est marquée par la remise de décorations à cinq professeurs pour leur long et entier dévouement à l'Etablissement : MM. Montcuit, Allaire, Leconte, Mme Raux et un absent M. Besselièvre, secrétaire de l'Amicale, douloureusement éprouvé par le décès de son épouse le 4 août précédent.

La couverture du bulletin qui avait fait une cure de rajeunissement va connaître, à partir du retour des restes du Frère Decorde dans la chapelle de l'Etablissement le cliché du monument aux morts. Après quelques numéros, des Anciens Elèves estimeront, à juste titre, , que cela fait un peu « tristounet ». A cette illustration succèdera la photographie du clocher de la chapelle.

 

Le bulletin d'avril 1951 est remplacé par la parution de l'Annuaire des Anciens Elèves, travail fastidieux de mise au point pour les responsables, suivi habituellement de nombreuses réclamations.

Au nouvel an 1952, le bulletin adopte une nouvelle couverture avec le titre « Liaison St-Jo », impression couleur (au singulier) et vue aerienne de l'Etablissement. Des articles plus aérés avec clichés et une critique littéraire assurée par Jean Villette, ancien élève, journaliste à Paris-Normandie.

En cette même année 1952, le Frère Yves Le Gall, ancien Directeur de Saint-Joseph, recevait de M. le Ministre Jean-Marie Louvel, en présence du Préfet et de nombreuses personnalités civiles et religieuses, la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur.

 

Décision est prise de relier la collection complète du Bulletin. Les appels se succèdent pour retrouver chez les Anciens Elèves les 27 numéros qui manquent. Avec le temps, avec les démarches personnelles du Frère Morel, Directeur, auprès de certains dont on sait qu'ils ont toute la collection, les précieux documents sont rassemblés et remis aux sœurs de la Visitation à Caen qui assurent les travaux de reliure.

En 1955, un dessin de notre camarade Louis Millet apportera une touche artistique à la couverture de « Liaison St-Jo ».

En première page du numéro de juillet 1957 paraît en couleurs le blason récemment créé de l'Institution, blason qui ornera la poitrine de tous les élèves pour la grande fête des sports de 1958 avec l'inauguration du terrain de sports. 

Durant quelques années le bulletin sera imprimé par un ancien élève, M. Marie de Saint-Pierre-sur-Dives, un éloignement de Caen qui ne simplifiait pas le travail du Secrétaire.

Depuis janvier 1960, « Liaison Saint-Jo » sortira, et sort toujours des Presses de l'Imprimerie Régionale à Caen. Bel exemple de fidélité réciproque.

Cette année 1960 sera marquée en octobre par les festivités du 75e anniversaire de l'installation de Saint-Joseph, rue des Rosiers.

Nouvelle parution de l'Annuaire en 1961.

En 1962, le Comité de l'Amicale des Anciens Élèves décide un changement de format du Bulletin, un format hors normes habituelles.

Il faut, suggèrent certains membres, que notre « Liaison St-Jo » se distingue par son format des autres revues qui se multiplient et garnissent (déjà) les boîtes aux lettres. Ce format ne tiendra que trois ans, période qui connaîtra une activité certaine du Comité des jeunes et le lancement du 1er Rallye-Promenade avec 23 voitures participantes.

1966 marque une étape aussi importante que pénible dans l'histoire de Saint-Jo et de son Amicale d'Anciens Elèves : le départ des Frères des Ecoles chrétiennes de l'Etablissement. Le bulletin de juillet donne le texte de la motion adressée au Supérieur Général à Rome et signée des différents responsables pour demander le maintien des Frères à Saint-Joseph. Sans succès.

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M. Raymond Rolland, Président de l'Amicale des Anciens Elèves depuis 22 ans, quitte ce poste en 1969. Il est remplacé par le Docteur Henri Goupil. M. Rolland sera promu en 1975 sur proposition de Monseigneur Badré, Commandeur de l'Ordre de Saint Grégoire le Grand par sa Sainteté le Pape Paul VI.

Durant cette période, le Bulletin présente ses rubriques habituelles mais aussi quelques innovations telle une série d'articles intitulés « Si Saint-Jo m'était conté », rappel de la grande et petite histoire de l'Etablissement. Aussi « l'opération Cartes postales vacances » invitant les lecteurs à adresser au Bulletin quelques mots sur leur séjour estival.

A la fin de l'année 1978, Roger Pérussel est remplacé au poste de Secrétaire de l'Amicale des Anciens Elèves par François Quermonne.

En janvier 1980, la présentation et le format du Bulletin vont changer afin de permettre l'encart central édité par les Frères des Ecoles chrétiennes pour leurs différentes amicales.

 

Dès 1983, il faut préparer l’année du centenaire de l'installation de Saint-Joseph dans les locaux de la Rue de Rosiers. Le Président Jean Lambertz et Directeur de l'Institution mettront en place un comité 26 membres pour préparer cet important événement.

Excellent travail de tous couronné par un franc succès lors de la célébration de l’évènement les 26 et 27 octobre 1985.

Aujourd’hui, il ne faut pas sous estimer le centenaire du bulletin. Une amicale ne vit dans la durée qu’avec ce lien indispensable entre ses membres. Beaucoup d'Associations ont cru pouvoir s'en passer et se sont peu à peu éteintes.

Nous devons un merci à la petite équipe qui, à Saint-Joseph, maintient non sans difficultés la parution de ce Bulletin et tout particulièrement à François Quermonne, professeur à l'Institution et secrétaire de l'Amicale des Anciens Elèves, dont les treize années à ce poste ne sont qu'un début prometteur pour que vive et prospère « Élan Liaison Saint-Jo ».

 

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